A la découverte des libellules de Charente-Maritime
Les libellules rassemblent les demoiselles (zygoptères) et les vraies libellules (Anisoptères). A ce jour, 63 espèces ont été inventoriées en Charente-Maritime, dont 59 se reproduisent localement de façon certaine. Les libellules ont fait l'objet d'importants travaux d'inventaire aboutissant à la publication de l'Atlas des libellules de Charente-Maritime (2005) puis du Poitou-Charentes (2009).
Les caloptéryx : demoiselles aux ailes colorées
Les caloptéryx se reconnaissent facilement à leurs ailes colorées et à leur teinte aux reflets métalliques. Il existe trois espèces en Charente-Maritime : le Calopteryx vierge Calopteryx virgo meridionalis aux ailes colorées de bleu jusqu'à la pointe, le Caloptéryx éclatant Calopteryx splendens dont la coloration alaire forme une bande transversale et le Calptéryx hémorrhoidal Calopteryx haemorrhoidalis aux ailes sombres et au corps cuivré. Ces libellules sont catactéristiques des zones courantes. Elles ont un vol papillonnnant et sont à rechercher dans les zones ensoleillée et végétalisées en bordure de ruisseaux ou de petites rivières. Il est toutefois possible d'observer ponctuellement quelques individus en déplacement dans des milieux atypiques.
Le Caloptéryx vierge est une libellule typique des ruisseaux à courant assez rapide (cliché Philippe Jourde).
Les lestes : des corps métalliques, des pruinosités azurées
Les lestes sont les seules demoiselles à étaler leurs ailes. Ce sont des spécialistes des milieux temporaires. Les femelles pondent leurs oeufs dans des tiges de joncs, voire dans des branchettes pour le Leste vert, et les larves tombent dans l'eau en fin d'hiver. En Charente-Maritime, vivent les Lestes vert Lestes viridis, verdoyant L. virens, dryade L. dryas et à grands stigmas L. macrostigma. Le Leste à grands stigmas est une des espèces les plus patrimoniales de Charente-Maritime. Il est inféodé aux scirpaies maritimes des marais saumâtres et est devenu très rare à l'échelle mondiale du fait de la disparition de nombreux marais salés. Le Leste fiancé L. sponsa, connu autrefois de Charente-Maritime, n'a pas été revu depuis plusieurs années de façon certaine. C'est une espèce à rechercher en priorité. La Brunette hivernale Sympecma fusca diffère sensiblement des autres lestes. Elles a la couleur d'une branchette et passe l'hiver à l'état imaginal.
Inféodé aux marais saumâtres, le Leste à grands stigmas est rare et localisé (cliché Philippe Jourde).
Les pennipattes : des demoiselles aux pattes en forme de plume
Il est facile de reconnaître les pennipattes mâles à l'épaississement de leur tibias en forme de penne (plume). Il existe trois espèces assez largement répandues en Charente-Maritime : le Pennipatte orangé Platycnemis acutipennis des milieux stagnants, le Pennipatte bleuâtre P. pennipes des milieux courants et le Pennipatte blanchâtre P. latipes caractéristique des rivières à courant lent. Les mâles paradent d'un vol oscillant. On les trouve facilement le long des berges riches en végétation.
Coeur de Pennipatte bleuâtre (cliché Philippe Jourde).
Agrions, naïades et portecoupes, le monde des petites bleues
La familles des agrions rassemble de nombreuses demoiselles bleues et quelques espèces rouges. Leur identification est parfois délicate mais avec un peu d'expérience, la plupart des espèces s'identifient facilement. Cette famille est composée de 8 espèces en Charente-Maritime mais l'Agrion joli Coenagrion pulchellum semble avoir disparu récemment du département. Les ischnures forment un petit groupe à part. On les reconnaît à leur ptérostigma bicolore (tache colorée près de l'extrémité des ailes). En fonction de leur degré de maturité, les ischnures présentent des colorations très diverses allant de l'orange au violet.
L'Agrion de Mercure est protégé au niveau national et européen. Cette espèce des ruisseaux d'eau pure souffre de l'assèchement chronique des cours d'eau (cliché Philippe Jourde).
Les aeschnes, force et vitesse
Les aeschnes sont des libellules puissantes, généralement de grande taille. On trouve neuf espèces en Charente-Maritime dont une n'est connue qu'en tant que migratrice (Anax porte-selle Anax ephippiger). Les mâles des aeschnes sont vivement colorées mais les femelles présentent un camouflage remarquable qui leur permet notamment de pondre en toute tranquilité. L'aeschne la plus commune est l'Anax empereur Anax imperator que l'on observe dans de nombreux points d'eau, parfois très récents, ainsi que le long des parties lentes des cours d'eau. Le Spectre paisible Boyeria irene est une des rare libellule à voler de nuit. On l'entrevoit parfois au clair de lune chasser au-dessus des petits cours d'eau.
L'Anax empereur est sans doute une des premières libellules à coloniser les nouvelles mares (cliché Philippe Jourde).
Les gomphes et onychogomphes, des flèches noir et jaune au ras de l'eau
Six espèces de gomphidés ont été inventoriés à ce jour en Charente-Maritime. Toutes sauf une sont liées aux cours d'eau, qu'ils soient lents et larges (Gomphe de Graslin Gomphus graslini) ou rapides et étroits (Gomphe vulgaire Gomphus vulgatissimus). Les onycogomphes, que l'on reconnait à leur cerques en forme de crochets, vivent tous deux au niveau des accélérations des cours d'eau.
L'Onychogomphe à pinces chasse à l'affût, perché près de l'eau et capture ses proies après un vol foudroyant (cliché Philippe Jourde).
Cordulegastre, la puissance et la grace
Le Cordulégastre annelé Cordulegaster boltonii est une espèce puissante, noire annelée de jaune, qui sillonne les petits cours d'eau et les ruisselets. La femelle est dotée d'une sorte de stylet à la pointe de son abdomen qui lui permet de déposer ses oeufs en vol, dans les sédiments, en frappant les limons à la verticale.
Le Cordulégastre annelé est une des plus grande libellule de Charente-Maritime (cliché Philippe Jourde).
Macromie, cordulies et chlorocordulies : une cuirasse métallique et des yeux incroyables
Les cinq espèces de Charente-Maritime sont toutes colorées d'un vert à reflets métalliques remarquables. La rare Macromie splendide Macromia spledens et la belle Oxycordulie à corps fin Oxygastra curtisii fréquentent les grandes rivières à cours lents. Les cordulies (Cordulia aenea, Somatochlora metallica et S. flavomaculata) vivent dans les mares d'eau pure, les tourbières ou les bas-marais. Elles sont très localisées, rares et menacées en Charente-Maritime.
En moulant la musculature de l'insecte, le thorax de la Chlorocordulie métallique rappelle les cuirasses romaines (cliché P. Jourde).
Leucorrhine : une espèce au bord de l'extinction
Si trois espèces vivent en Poitou-Charentes, seule la Leucorrhine à front blanc Leucorrhinia albifrons possède des populations établies. Rarissime, cette libellule n'est connue que dans quelques réseaux de mares et d'étangs du sud du département. Liée à des eaux de grande qualité et pauvres en nutriments, cette espèce est gravement menacée, d'autant que les populations les plus proches se trouvent à une distance considérable.
La Leucorrhine à front blanc est une des espèces les plus menacée de Charente-Maritime (cliché Philippe Jourde).
Les libellules et orthétrums bleus ou fauves
Libellules vraies et ortétrums sont au nombre de sept. Les Libellules fauve Libellula fulva, déprimées L. drepressa et à quatre taches L. quadrimaculata étaient encore banales il y a quelques années. Leurs populations ont fortement décliné, notamment du fait de l'assèchement chronique des cours d'eau et de la disparititon de la végétation aquatique induite par l'introduction de l'Ecrevisse de Louisiane. Les orthétrums dont les larves vivent enfouies dans les sédiments résistement mieux à la prédation du crustacé et demeurent encore largement répartis.
La Libellule à quatre tâches est en réalité ponctuée de dix taches alaires noires (cliché Philippe Jourde).
Les libellules rouges et oranges
Ce groupe de libellules rassemblent quatre espèces de sympétrums et un crocothémis. Une cinquième espèce, le Sympétrum vulgaire Sympetrum vulgatum semble avoir disparu du département. Des populations relictuelles, ou plus vraisemblablement des individus erratiques, pourraient être découverts à l'occasion de recherches assidues. Chaque automne, des millions de sympétrums entreprennent des vols "migratoires" le long du littoral. Durant des jours, les insectes volent face au vent, se reproduisant dans tous les points d'eau rencontrés.
Le Crocothémis écarlate Crocothemis erythraea est une belle espèce des milieux stagnants. On la reconnait notamment à la tache orangée de la base de ses ailes postérieures et à sa coloration rouge homogène (les femelles sont jaunâtres).
Le Crocothémis écarlate est une des libellules les plus facile à reconnaître (cliché Philippe Jourde).
Le Trithémis annelé, espèce à chercher
Le Trithémis annelé Trithemis annulata est une libellule d'origine africaine. Découverte dans le sud de l'Espagne en 1978, elle poursuit sa progression vers le nord et apparaît en France continentale en 1994. Depuis cette date, l'espèce s'est bien implantée dans le Sud-Ouest, notament en Gironde.
Le Trithémis annelé a été découverte en Charente-Maritime en 2005, dans la commune de Saint-Bonnet-sur-Gironde. Il colonise actuellement le département et est désormais présent jusqu'à la région de Rochefort. Il faut le chercher dans des pièces d'eau stagnantes : étangs, sablières, stations de lagunage... Cette libellule est active dès la mi-juin mais le pic d'activité culmine en septembre. Les derniers individus volent jusqu'en octobre.
Le mâle de Trithémis annelé se reconnaît facilement à sa teinte rose vineux, sa face purpurine, ses nervures rouges et la base de ses ailes ambrées. La femelle est jaunatre et a la base des ailes vivement tachée de jaune-orange.
Le Trithémis annelé se reconnaît facilement à sa coloration rose vineux (cliché Philippe Jourde).
Contribuer à l'inventaire des libellules de Charente-Mariitme
Faune-Charente-Maritime et l'application mobile NaturaList proposent un masque de saisie dédié aux libellules. Ils permettent de pointer facilement et rapidement vos observations sur une carte de Charente-Maritime et ainsi de contribuer efficacement à l'accroissement des connaissances et à la protection de ces espèces.
Dossier rédigé par Philippe Jourde - 01/09/2011
actualisé le 21/08/2017
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